Ils ne se connaissent pas, mais à leur manière attirante, fine et belle, il et elle sèment leur graine de révolution. Giovanni Mirabassi et Nara Noïan entendent parler aux consciences collectives autant qu’aux cœurs, à travers leur dernier album tout juste lancés et tout deux dédiés aux révolutions.
Mais avant tout, musique Maestro… Car ce sont d’abord des flots de mélodies conteuses d’histoires et d’émotions regorgeant d’espoir qui vous sont proposées.
Avec Adelante, Giovanni Mirabassi récidive la résurrection de chants révolutionnaires glanés de par le monde.
Cette réinterprétation de morceaux devenus mythiques à force d’avoir tant porté les aspirations des peuples, était déjà le principe de l’un de ses meilleurs albums, Avanti ! en 2000. Adelante signifie toujours la même chose, ‘en avant !’, simplement dite en espagnol cette fois pour cause de rachat de droits (dont il se moque aussi un peu ainsi).
Autodidacte du piano, né à Pérouse, Giovanni Mirabassi a su imposer son style ainsi que ses improvisations jazz pleines de beaux coulés maîtrisés, depuis qu’il s’est établi en France il y a une quinzaine d’années.
Son interprétation de Gracias a la Vida audible depuis peu sur diverses ondes, est là pour prouver le bien fondé – le bon écho faudrait-il dire – de sa démarche complètement engagée. Exilé de l’Italie de Berlusconi, il est bien placé pour savoir de quoi il parle, et en interview ses propos sont clairs, toujours intransigeants envers les dérives de ce monde.
« On manque méchamment d’idéaux » constate-t-il posément, au nom d’un « pragmatisme crégnos », qu’il fustige avec lucidité alors que, il le sait pour l’avoir lui-même expérimenté en concert, « Même si pour les Japonais cette chanson ne représente rien, on peut les fédérer avec le Chant des Partisans » - cet hymne de la Résistance française, dont la mélodie existait déjà lors de la révolution bolchévique russe (interview qobuz audible ici).
Aperçu du clip Gracias A La Vida
Ces mélodies-là ont donc été sélectionnées pour leur effet particulier : provoquer un souffle d’émotions qu’on ne s’explique pas. Il n’est alors plus tant question de politique, mais de chants ou morceaux que Giovanni Mirabassi revisite au piano, en solo ou accompagné, pour rendre le meilleur de leurs accents volontaires universels, revendicatifs mais avec toute la rondeur qui caractérise son doigté sûr.
N’hésitez donc pas à réviser vos classiques, et savourez les Mirabassiennes versions de l’africaine A luta continua (chanson composée par la sud-africaine Myriam Makeba en hommage au peuple du Mozambique), la française Le Déserteur, ou même de L’Internationale carrément mise en ouverture de cet album de pur piano juste et bellement bon.
Par ici l'information pour les prochains concerts en vue…
Davantage tourné vers l’Est, avec Oriental Express Nara Noïan se penche sur les replis de sa propre âme que l’Orient en révolution a bousculée.
Née en Arménie, un temps passée en France et désormais installée en Belgique francophone, cette pianiste (elle aussi), compositrice, chanteuse et actrice dédie ouvertement ce troisième album, beaucoup plus personnel que ses précédents (Cristal et Kino) au Printemps arabe.
Touchée par ces évènements, sans être dupe de la fausse ‘accalmie’ ni de la tension prête à éclater à tout instant, elle est partie bille en tête en Egypte cet été pour les appréhender en direct.
Nara Noïan en Egypte, été 2011
Photo Philippe Simon
C’est un monde totalement désorienté qu’elle découvre après avoir enchaîné une Egypte sens dessus-dessous, et l’Arménie (un complet contraire de l’Egypte, ne serait-ce que par la liberté des femmes).
Son compagnon Philippe Simon photographe et porteur du projet avec elle, est de plus allé en Syrie pour capter là aussi ce qui s’y passe.
L’ensemble de ce projet a abouti à un album généreux et doux, pour lequel les concerts programmés comprennent également une exposition
des photos du monde parfois lunaire observé en ces terres d’Orient (prochaine date à Paris le 9 décembre).
Désorienté est bien le maître mot de sa perception, avec l’intuition qu’au-delà du jeu de mots ("puisqu’on dit dés-orienté !"), l’Orient est bien la bonne voie, « Si l’Orient va bien, on ira bien aussi ».
Elle propose donc une ouverture humaine avec cet album joliment intimiste où le piano est roi pour rendre, avec son toucher léger, la douceur et l’harmonie féminine qui caractérisaient déjà sa musique, mais aussi pour créer à l’occasion de quelques compositions particulièrement réussies, un échange profondément sincère et beau avec de talentueux musiciens tunisiens ou arméniens.
Dans Karama – La Désorientée Ghalia Benali offre ainsi un chant en arabe classique dont elle est l’auteur, qui se fond en un émouvant dialogue avec les paroles arméniennes de Nara, le duduk de Vardan Hovanissian, et le oud de Moufadhel Adhoum.
Սիրտդ բաց, պատմիր ինձ քո կեանքը, իմ խեղճ,իմ մոլորուաձ հոգի :
(Ouvre ton cœur, raconte-moi ta vie, ma pauvre, mon âme égarée)
Des révolutions tant vues mises en marche cette année qu’il n’est somme toute pas si anormal de les voir devenir muses musicales. Quelle que soient leur destinées, trahis, bien vite récupérés ou se débattant pour ne pas être spoliés, ces sursauts de révoltes doivent perdurer pour tendre vers un avenir meilleur que ce que le présent réserve à la majorité des peuples.
Ce qui s’exprime naturellement, entre autres biais, par des musiques qui deviennent alors plus qu’inspirées : inspirantes.