Aussi lourd soit le ciel, un soir à Ménilmontant peut emmener à la fois très loin et très près, dans une ambiance qui semble capable de pacifier les mœurs du monde entier...
Le photographe Willy Ronis tombait amoureux de ce quartier en 1947, pour l’insouciance modeste mais infinie qu’il y trouve. Ses photos de Belleville-Ménilmontant paraîtront auprès des éditions Arthaud, accompagnées des textes de Pierre Mac Orlan en 1954.
Plus tard ce sera Didier Daeninckx, écrivain ami de Ronis, qu’on retrouve dans un ouvrage publié en 1999 par les éditions Hoebeke, pour accompagner ces photos d’une histoire de retrouvailles autour de ce quartier, et ainsi en raconter la légende.
Les ateliers, les bistrots et les salles de bal d’alors ont laissé place à quelques petits commerces de pays des quatre coins du monde, des brasseries-café où il fait aujourd’hui bon se poser après la montée raide de la rue Ménilmontant, en attendant d’aller assister à l’un des spectacles, théâtres ou concerts donnés par les salles des environs, rues Boyer, de l’Ermitage ou du Retrait (voir ici les salles autour du Théâtre de Ménilmontant : http://www.cityvox.fr/salle-musicale_paris/theatre-de-menilmontant-paris/ProcheDe)
C’est dans ce quartier du XXème à Paris que Macha Gharibian présentait son album MARS jeudi dernier.
I’m not a dancer, I’m a human being, when moved by the spirit, I dance.
Je ne suis pas un danseur, je suis un être humain, quand je suis touché par l’esprit, je danse…
Ces vers du poète musicien William Parker ont inspiré le titre d’ouverture de l’album MARS : Ritual Prayer. C’est avec cette sacrée ouverture, et en particulier ces vers qui au fond résument tout à fait l’esprit de cette musicienne attachante, que le concert a commencé.
Dans une salle simple, accueillante et sans prétention, l’aimable poétesse du piano à la voix grave, a mené son public dans des paysages sonores bourrés d’émotions.
Dans ce périple un peu mystérieux, parce que c’est Macha, et sans doute parce qu’on est en France dans ce quartier typiquement parisien, les frontières habituellement querelleuses disparaissent étrangement.
Le phénomène se manifestait déjà juste avant d’entrer dans la salle, au milieu d’un auditoire qu’on sent divers, paisible et curieux. Au contrôle ensuite, quand un musicien originaire de Serbie, féru de musique turque, et dont il s’avérera plus tard que c’est le clarinettiste du groupe Slonovski Bal (écclectique et joyeux groupe balkanico-oriental), se fait un devoir d’accueillir avec quelques mots d’un turc hésitant mais correct, le visiteur dont le nom lui rappelle son hodja (maître) de clarinette. Tamam… Sirbistandan (d’accord… de Serbie).
Mais aussi quand Macha commente simplement, avant d'attaquer un nouveau morceau : ce n'est pas parce que je suis Arménienne, que je ne peux pas jouer un morceau azéri... (barraguel)
Alors Macha en concert a vogué tranquillement et a fait voguer avec elle, partout où elle se sent bien : le Kele Kele de Komitas, les Parmani et Oror de Khatchadour Avedissian sont les classiques arméniens qui, tout comme le Night Star de l’autre poète William (l’anglais Blake), l’inspirent pour la pousser vers ses propres compositions, définitivement entraînantes et qu’on espère encore nombreuses.