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26 novembre 2010 5 26 /11 /novembre /2010 22:45

 

En marge des 741 livres de la dernière rentrée littéraire, zoom sur deux ouvrages qui valent d’être rapprochés.


Samuel, un roman de Raffi, le sacro-saint des auteurs arméniens (aux éditions Thaddée), et un recueil de textes d’auteurs de tous pays  sur leur enfance arménienne Nos terres d’enfance, l’Arménie des souvenirs (aux éditions Parenthèses).


Leur lecture est une agréable surprise, car d’habitude on se dit que ce qui a trait aux Arméniens est plutôt douloureux, voire lourd (en plus un livre, pensez-vous…). Pourtant, une fois franchi le pas de les ouvrir, ceux-là on ne les lâche pas.


Chacun à leur manière ont le double bonus, non seulement d’être écrit et préparé avec talent, mais aussi de nous rapprocher, avec grande facilité, de ce qui a construit les Arméniens.


Samuel de RaffiPour Samuel, Raffi mettait tout son talent d’écrivain et de romancier au service d’un roman inspiré de faits réels historiques, véritable mine d’informations couplée à une intrigue pleine d'action.

Avec un don bien particulier pour créer des images saisissantes d’originalité et de beauté sur l’Arménie, il dépeint l’aventure d’une période charnière de l’histoire des Arméniens.

 

On y suit avec étonnement leurs péripéties entre les empires grec et perse, et leurs violentes luttes intestines. Quasi-menacés d’extinction, ils se révèlent sous la plume de Raffi, héroïques certes, mais aussi traîtres, et toujours pleins de volontés contradictoires.

On n’entend pas si souvent cette vision nuancée.

 

La traduction française du roman a été lancée avec passion, le mois dernier, par la toute jeune maison d’édition Thaddée, basée à Paris (voir ici l'article sur leur création et leur première publication).

 

Pour l’occasion cette réédition a été largement enrichie, notamment par une préface de Raffi lui-même (qui n’avait pas été traduite auparavant) et une biographie exhaustive de l’auteur, préparée par l’éditeur (Jean-Jacques Avédissian) pour éclairer le contexte historique, politique et culturel dans lequel Raffi a évolué.


Pour un auteur sacro-saint, et dans l’importante communauté arménienne de France, cette réédition seulement en 2010 (la 1ère parution française date de 1924) laisse perplexe, et on n’en apprécie que davantage la démarche de l’éditeur.


Petite touche de mystère à l’issue de cette lecture : apparemment Raffi aurait écrit une suite à Samuel. Malgré un avis de recherche public, sa veuve n’avait semble-t-il jamais réussi à le retrouver. L’appel est donc renouvelé, avis aux chercheurs…

 

 

Nos terres d'enfanceDans un registre totalement différent, même plaisir de la découverte, avec Nos terres d’enfance, l’Arménie des souvenirs.


Ce recueil de 43 extraits d’auteurs de toute la diaspora, la plupart traduits de l’arménien, de l’anglais, du turc et du russe, a été imaginé et préparé par l’historienne Anahide Ter Minassian et son amie de longue date Houri Varjabédian, en charge de la collection ‘Diasporales’ aux éditions Parenthèses (la première a souvent publié chez la seconde)


Dès le premier extrait au titre accrocheur ‘Pourquoi ne sommes-nous pas juifs ?’ de Peter Balakian, on est secoué par cette lecture qui plonge au cœur même de l’être Arménien, quelle que soit la latitude sous laquelle il vit.

 

Avec la grande variété des auteurs, des lieux et des époques qu’on trouve dans le reste du recueil, la plupart des Arméniens trouveront probablement à s’identifier.

 

A découvrir ainsi ce qu’on a pu soi-même vivre et voir par ailleurs, on se sent un peu moins extra-terrestre dans son exil : quand on n’a pas renoncé à ce dont on vient, mais qui diffère tant de là où on vit.

 

Une citation pourrait résumer ce lien ténu qu’on a souvent apprécié de voir mis en mots :


Certes dans l’esprit de père, Antika n’est pas de Gürün, c’est vrai, elle n’est pas de sa ville, mais c’est une mère universelle : quand elle dit ‘Agop’, elle met dans sa voix une telle ampleur, une telle hauteur, une telle fierté, que cela laisse deviner son ancienne et douloureuse maternité : en face d’elle les yeux verts de père brillent de l’éclat de la mémoire de gens ouverts l’un à l’autre, de complices qui ont vécu dans un monde autre inaccessible pour nous.

Extrait de Krikor Beledian, 'Sémer' (seuils), Alep 1995 (traduit de l’arménien par Anahide Ter Minassian dans 'Nos terres d’enfance')

C’est entre autre cela, parmi des vécus très divers, qui transparaît dans ce recueil : un lien impalpable qui unit les êtres d’un même lieu, monde ou évènement.


Au travers de l’enfance, ce vécu le plus communément partagé et souvent riche en émotions, c’est aussi un sacré panorama littéraire qui s’offre au lecteur curieux du monde arménien. Comme avec Raffi, à l’issue de la lecture on a une meilleure idée de ce qui reste à découvrir.


Seul bémol sans doute, valable pour ces deux ouvrages, et c'est un des nombreux prix de l'exil (Henri Troyat lui-même le notait dans son roman autobiographique Le fils du Satrape) : c'est en français qu'on découvre ces lignes, car il n'est plus si courant de les lire dans le texte.


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commentaires

P
<br /> Bonjour,<br /> Vos commentaires ma donné envie de lire "Samuel" et j'ai beaucoup aimé. Je lirai "nos terre d'enfance" aussi .<br /> Merci et à bientôt.<br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> Mais de rien, 'Samuel' est une valeur sûre et il n'est pas étonnant qu'il vous ai plu. Bonne découverte à vous avec 'Nos Terres d'Enfance'<br /> <br /> <br /> <br />

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  • Journaliste contribuant au magazine France-Arménie depuis 2003, et auteur de ce blog créé en septembre 2010. Sur Twitter @HacikJilda
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